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avertissement.

Pénétré de bonne heure et par instinct de cette transformation de la poésie, aimant à écrire, cependant, dans cette langue accentuée du vers qui donne du son et de la couleur à l’idée, et qui vibre quelques jours de plus que la langue vulgaire dans la mémoire des hommes, je cherchai quel était le sujet épique approprié à l’époque, aux mœurs, à l’avenir, qui permît au poëte d’être à la fois local et universel, d’être merveilleux et d’être vrai, d’être immense et d’être un. Ce sujet, il s’offrait de lui-même ; il n’y en a pas deux : c’est l’humanité ; c’est la destinée de l’homme ; ce sont les phases que l’esprit humain doit parcourir pour arriver à ses fins par les voies de Dieu.

Mais ce sujet si vaste, et dont chaque poëte, chaque siècle peut-être, ne peuvent écrire qu’une page, il fallait lui trouver sa forme, son drame, ses types individuels. C’est ce que je tentai. Si jamais je l’achève, ou si, avant de mourir, je puis du moins en ébaucher un assez grand nombre de fragments pour que le dessin en apparaisse dans sa variété et dans son unité, on jugera s’il y avait un germe de vie dans cette pensée, et d’autres poëtes plus puissants et plus complets viendront et la féconderont après moi.

L’ouvrage est immense. J’en ai exécuté plusieurs parties à diverses époques de ma vie ; mécontent de quelques-unes, je les ai jetées au feu, d’autres sont conservées, d’autres n’attendent pour éclore que du loisir et de l’inspiration. Les distractions de la pensée, les voyages, la politique, le bruit des événements extérieurs, m’ont souvent interrompu et m’interrompront sans doute encore. On ne doit donner à ces œuvres de complaisance de l’imagination que les heures laissées libres par les devoirs de la famille, de la patrie et du temps ; ce sont les voluptés de la pensée ; il ne faut pas en faire le pain quotidien d’une vie d’homme. Le poëte n’est