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troisième époque.

De la grotte, 1er novembre 1793.

Ces pensers (car toujours c’est à lui que je pense)
Me vinrent l’autre jour en regardant Laurence,
Jamais la main de Dieu sur un front de quinze ans
N’imprima l’âme humaine en traits plus séduisants,
Et, de plus de beautés combinant le mélange,
Ne laissa l’œil douter entre l’enfant et l’ange :
Tout ce qu’à son matin l’âme a de pureté,
Tout ce qu’un œil sans tache a de limpidité,
Tout ce qu’à son aurore une vie a d’ivresse,
Tout ce qu’un cœur plus mûr a de grave tendresse,
Réuni dans ses traits riants ou sérieux,
Y forme dans l’accord un tout harmonieux,
Et, selon le rayon que la pensée y verse,
L’ombre qui les parcourt, l’éclair qui les traverse,
Y brille dans ses yeux en rayon de splendeur,
Y rougit sur sa joue en rose de candeur,
Y flotte à sa paupière en larme transparente,
Y nage en ses regards en rêverie errante,
S’y creuse en plis pensifs entre ses deux sourcils,
S’y recueille caché sous le bord de ses cils ;
Sur sa lèvre entr’ouverte en désir vague aspire,
Ou s’épand sur sa bouche en langoureux sourire.
Partout où l’enfant passe, on dirait qu’il a lui ;
Un jour intérieur semble sortir de lui ;
Bien souvent, sur la fin d’un jour mourant et sombre,
Lorsque, la grotte et moi, tout est déjà dans l’ombre,