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sixième époque.

Et qui, voyant de Dieu l’image dans son maître,
Croit s’approcher du ciel en vivant près du prêtre ;
Quelques vases de terre, ou de bois, ou d’étain,
Où de Marthe attentive on voit briller la main ;
Sur la table un pain noir sous une nappe blanche,
Dont chaque mendiant vient dîmer une tranche.
Des grappes de raisin que Marthe fait sécher,
De leur pampre encor vert décorent le plancher ;
La séve en hiver même y jaunit leurs grains d’ambre.
De ce salon rustique on passe dans ma chambre ;
C’est celle dont le mur s’éclaire du couchant.
Tu sais que pour le soir j’eus toujours du penchant,
Que mon âme un peu triste a besoin de lumière,
Que le jour dans mon cœur entre par ma paupière,
Et que j’aimais tout jeune à boire avec les yeux
Ces dernières lueurs qui s’éteignent aux cieux.
La chaise où je m’assieds, la natte où je me couche,
La table où je t’écris, l’âtre où fume une souche,
Mon bréviaire vêtu de sa robe de peau,
Mes gros souliers ferrés, mon bâton, mon chapeau,
Mes livres pêle-mêle entassés sur leur planche,
Et les fleurs dont l’autel se pare le dimanche,
De cet espace étroit sont tout l’ameublement.


Tout ! oh non ! j’oubliais son divin ornement,
Qui surmonte tout seul mon humble cheminée,
Ce Christ, les bras ouverts et la tête inclinée,
Cette image de bois du Maître que je sers,
Céleste ami, qui seul me peuple ces déserts ;
Qui, lorsque mon regard le visite à toute heure,
Me dit ce que j’attends dans cette âpre demeure,
Et, recevant souvent mes larmes sur ses piés,
Fait resplendir sa paix dans mes yeux essuyés.