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jocelyn.

Paris, 20 septembre 1800.

Avant de retourner à mon nid pour toujours,
Ils veulent me garder avec eux quelques jours,
Pour que ma pauvre sœur par degrés s’accoutume
Aux séparations ; et puis, je le présume,
Pour qu’avant de rentrer dans mon obscur réduit
Mon oreille du monde ait entendu le bruit,
Comme au pied de la dune on monte sur la crête,
Pour écouter la vague et pour voir la tempête.


Oh ! que le bruit humain a troublé mes esprits !
Quel ouragan de l’âme il souffle dans Paris !
Comme on entend de loin sa grande voix qui gronde,
Pleine des mille voix du peuple qui l’inonde,
Semblable à l’Océan qui fait enfler ses flots,
Monter et retomber en lugubres sanglots !
Oh ! que ces grandes voix des grandes capitales
Ont de cris douloureux et de clameurs fatales,
D’angoisses, de terreurs et de convulsions !
On croit y distinguer l’accent des passions
Qui, soufflant de l’enfer sur ce million d’âmes,
Entre-choquent entre eux ces hommes et ces femmes,
Font monter leur clameur dans le ciel comme un flux,
Ne forment qu’un seul cri de mille cris confus,
Ou qu’on entend le bruit des tempes de la terre
Que la fièvre à grands coups fait battre dans l’artère.