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jocelyn.

» Pour entendre des mots saintement cadencés,
» Ou sur l’orgue des airs qu’elle n’a pas dansés ;
» Car on dit que, depuis sa première aventure,
» De l’orgue dans ses nuits elle aime le murmure,
» Sans doute en souvenir du beau mugissement
» Qu’elle entendait si haut chez son premier amant,
» Tu sais ?… » Mais l’orateur, se levant de la chaire,
Murmura sourdement son texte, et les fit taire ;
Il parla du bonheur de mourir pour la foi,
Des martyrs immolés pour l’Église et le roi,
Et, sur leurs orphelins évoquant leur mémoire,
Toucha jusqu’aux sanglots son immense auditoire.
Des larmes de pitié montaient à tous les yeux ;
Chacun se dépouillait de son denier pieux.
Une femme (on disait qu’orpheline elle-même,
Des malheurs de ces temps elle était un emblème),
Du vieillard précédée, une bourse à la main,
Parmi les rangs émus se frayait un chemin,
Et, faisant résonner le don dans la corbeille,
À la sainte pitié sollicitait l’oreille.
On n’entendait au loin que sa timide voix,
Le prêtre qui frappait le pavé de sa croix,
Ou du denier sacré la chute monotone
Qui sonnait en tombant dans l’urne de l’aumône.
Des rangs voisins du mien bientôt elle approchait :
D’avance dans mon sein déjà ma main cherchait
L’obole de l’autel, quand, relevant la tête,
Mon regard dans le sien se rencontre et s’arrête,
Et, comme fasciné par l’œil qu’en vain il fuit,
Chacun de nos regards suit l’autre qui le suit.
Elle semblait chercher à travers un nuage
À distinguer de loin les traits de mon visage,
Et je voyais le sien dans mon œil revenir
Comme une ombre montant du fond d’un souvenir.