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huitième époque.

J’entendais au dedans ces voix d’hommes, de femmes,
Ces sons des instruments, ces bourdonnements d’âmes
Où l’oreille en vain cherche une phrase à saisir,
Qui ne sont que la brise errante du plaisir.
Cette joie, en sortant de ces froides murailles,
M’enfonçait chaque fois un fer dans les entrailles,
Et j’aurais moins souffert (pardonne à mon remord,
Seigneur !) d’en voir sortir l’agonie et la mort.
Un torrent de pensers me roulait dans la tête :
Si j’entrais tout à coup au milieu de la fête ?
Si, frappant d’un regard ses yeux pétrifiés,
Comme l’ombre des temps par son cœur oubliés,
Et renversant du pied ces vases de délices,
Du nom tonnant de Dieu j’effrayais tous ces vices ?
Si, dérobant cet ange à l’air qui la corrompt,
Je rendais l’innocence et la vie à son front ?…
Hélas ! et de quel droit ? suis-je encore son père ?
N’ai-je pas renoncé même au doux nom de frère ?
Et ne sommes-nous pas, depuis l’heure d’adieu,
L’un à l’autre étrangers partout, hormis en Dieu ?
Oh ! c’est donc en Dieu seul que je puis en silence
Bénir, prier, nommer, chercher, pleurer Laurence !
Elle pour qui cent fois j’aurais voulu mourir,
Seul à son aide, ô Dieu ! je ne puis accourir !
Et de la froide borne en embrassant la pierre,
Mes yeux fondaient en onde et ma bouche en prière.

. . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . .


Pardonne-lui, mon Dieu ! de chercher ici-bas
Cet amour que tu mis tout enfant sous ses pas ;