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huitième époque.

L’ombre des lourds balcons, me couvrant d’un pan noir,
Me noyait dans sa nuit, d’où je pouvais tout voir.
Une femme parut au balcon : c’était elle !
Quoique pâle et lassée, ô Dieu ! qu’elle était belle !
Comme le monde avait, sous son précoce été,
Mûri sans la flétrir l’angélique beauté !
Comme sous ce costume et cette autre apparence
Mes regards trait pour trait retrouvaient tout Laurence !
Lui dans elle a grandi, mais toujours elle en lui !
Son cou penché semblait porter un vaste ennui ;
Son coude s’appuyait sur la rampe dorée,
Sa joue au clair de lune était décolorée,
Ses blonds cheveux déjà de son front détachés
Sur le fer du balcon flottaient tout épanchés,
Et je sentais l’odeur du vent qui les caresse
S’échapper en parfum de l’or de chaque tresse !
Oh ! des fleurs qui tombaient de ses cheveux l’odeur
Comment n’eût-elle pas enivré tout mon cœur !…

. . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . .


Elle leva la tête, et regarda la lune
Longtemps, comme quelqu’un qu’une image importune ;
Avec un lent soupir elle étendit les bras,
Puis, en les refermant sur son cœur, dit : « Hélas ! »
Puis d’un accent distrait, qu’un regard accompagne,
Murmura dans ses dents notre air de la montagne,
À voix basse et tremblante en chanta quelques mots…
L’air manqua sur sa lèvre et finit en sanglots ;
Elle s’interrompit comme avec violence,
Referma la fenêtre, et tout devint silence.