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notes.

ne permettant pas que son empire s’engourdît dans la paresse. Avant Jupiter, aucun laboureur n’avait encore dompté les champs ; il n’était pas permis d’en marquer les limites, d’en régler le partage : tout était commun ; et la terre, sans y être sollicitée, n’en prodiguait que plus librement ses biens. Jupiter empoisonna la dent des vipères livides, mit dans le loup l’instinct de la rapine, souleva les mers, secoua le miel qui dégouttait des arbres, retira le feu aux mortels, et fit partout tarir les ruisseaux de vins coulant dans les vallées. Il voulait que l’expérience et la réflexion enfantassent les arts à la longue, que le travail des hommes fît sortir l’épi des sillons, et des veines du caillou jaillir et briller l’étincelle.

» Alors les fleuves sentirent pour la première fois le tronc creusé de l’aune flotter sur leurs ondes ; le nautonier compta et nomma les étoiles ; ce furent les Pléiades, les Hyades, et l’Ourse brillante, fille de Lycaon. Alors on commença à tendre des piéges aux bêtes féroces ; la glu trompa les oiseaux ; et les chiens assiégèrent les immenses forêts. Déjà le pêcheur jette la ligne au fond des fleuves ; déjà gagnant la haute mer, il y traîne ses filets humides. Bientôt le fer est façonné ; j’entends crier la dent de la scie mordante : car les premiers humains ne savaient que fendre le bois avec des coins ; alors naquirent comme à l’envi les arts divers. Un travail opiniâtre triompha de tout : rien qui ne cède à la dure et pressante nécessité.

» Cérès la première enseigna aux hommes à mettre le soc dans la terre, alors que les fruits des arbustes et le gland des forêts sacrées commencèrent à manquer, et que Dodone refusa aux mortels leur facile nourriture. Bientôt le travail dut venir en aide aux semences : la nielle ronge les blés ; les champs se hérissent de chardons ; les moissons languissent et meurent, et à la place s’élève toute une forêt d’épines : la bardane, le saligot, la triste ivraie et l’avoine stérile dominent au milieu des riantes cultures. Si, t’armant du râteau, tu ne tourmentes pas incessamment la terre ; si tu ne sais pas des bruits qui épouvantent les oiseaux, si tu ne retranches avec la faux les ombres d’alentour qui s’abaissent sur tes champs ; enfin si tu n’appelles la pluie de tous tes vœux : hélas ! c’est en vain que tu regarderais les belles récoltes de tes voisins ; il te faudra soulager ta faim en secouant les chênes de la forêt.

» Je dois dire les instruments nécessaires au robuste laboureur, et sans lesquels il ne peut ni semer, ni faire lever le blé. C’est d’abord la charrue au bois solide et recourbé, avec un soc tran-