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jocelyn.

19 mai 1786.

Voilà ce que j’ai dit à ma mère aujourd’hui :

« Je sens que Dieu me presse et qu’il m’appelle à lui.
» La tendre piété, la foi vive et profonde,
» Cette divine soif des biens d’un meilleur monde,
» Dont vous me nourrissiez, enfant, sur vos genoux,
» Porte aujourd’hui son fruit, peut-être amer pour vous,
» Amer à ma jeunesse aussi, mais doux à l’âme.
» L’ombre des saints parvis m’attire et me réclame ;
» Je veux consacrer jeune à Dieu mes jours mortels,
» Comme un vase encor pur qu’on réserve aux autels.
» Rien de ce qui s’agite ici-bas ne me tente :
» Je ne veux pas dresser à tout ce vent ma tente,
» Je ne veux pas salir mes pieds dans ces chemins
» Où s’embourbe en marchant ce troupeau des humains ;
» J’aime mieux, m’écartant des routes de la terre,
» Suivre dès le matin mon sentier solitaire.
» J’aime mieux m’abriter sous le mur du saint lieu,
» Et dès le premier pas me reposer en Dieu.
» Je ne me sens pas fait d’ailleurs pour la mêlée :
» Où bruit cette foule à tant de soins mêlée :
» J’apporterais une arme inégale au combat,
» Trop de pitié dans l’âme, un cœur qu’un souffle abat ;