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jocelyn.

Des présents de l’époux les fragiles merveilles
Étalés sur le lit, débordant les corbeilles ;
Les vierges pour les voir se pressant alentour,
Les touchant, les montrant, s’écriant tour à tour ;
L’une ajustant le voile au front de la fiancée,
L’autre attachant la perle à ses cheveux tressée,
Et toutes, le front ceint de grâce et de rougeur,
Aimant à contempler les apprêts du bonheur,
À promener sur tout leurs doigts, leur fantaisie,
Comme on les voit toucher dans un écrin d’Asie
Les colliers, les anneaux, les secrets talismans
Dont on aime l’éclat sans comprendre le sens.
Puis les danses le soir sur l’herbe ; puis la ronde
Dans son cercle qui roule entraînant tout le monde,
Tout le monde, excepté la fiancée et l’époux,
Qui fuyaient nos plaisirs pour des plaisirs plus doux,
Impatients du soir qui doit chasser la foule,
Comptant l’heure qui sonne et la nuit qui s’écoule,
Se cherchant, se trouvant, et, le bras sous le bras,
S’égarant d’arbre en arbre et se parlant plus bas ;
Tant le bonheur parfait, qui fuit la multitude,
A besoin du silence et de la solitude.
Que ce bonheur perçait, même dans leur tourment !
Comme tout trahissait leur vague enchantement,
Ces soupirs, ces regards qui plongeaient l’un dans l’autre,
Cette langue sans mots qui surpassait la nôtre,
Cette marche indolente, ou ce pas arrêté
Comme accablé du poids de leur félicité,
Cette fuite du monde et ce besoin d’eux-mêmes,
Cette joie à nommer vingt fois le nom qu’on aime,
Tout leur réalisait ce rêve de l’amour,
Qu’on fait toute la vie et qu’on savoure un jour !
Et moi, seul et rêveur, glissant sans qu’on me voie,
Du regard et du cœur je poursuivais leur joie :