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FIOR D’ALIZA.

part du châtaignier : c’est peut-être cela, monsieur, qui lui fit comprendre qu’il aimait plus que d’amitié sa cousine, et c’est peut-être aussi la peur du sbire qui apprit après à Fior d’Aliza combien Hyeronimo lui était plus qu’un frère.

Que voulez-vous, monsieur ? le chagrin mûrit le cœur avant la saison ; quand le ver pique le fruit et que le vent secoue la branche, le fruit véreux tombe de lui-même ; ils ne savaient pas ce que c’était que de s’aimer, mais la peur de se perdre faisait qu’ils ne pouvaient pas plus se séparer en idée que deux agneaux nés de la même mère et qui ont sucé leur vie au même pis et à la même crèche.

Ce fut bien là le malheur ; ces enfants s’aimaient trop pour que la fille devînt une grande dame de Lucques, et pour que le garçon fît une autre fortune que dans le cœur d’une fille des châtaigniers.

XCIV

— Notre malheur ! s’écria la belle Sposa, en se jetant d’un bond sur le berceau de son enfant, en l’élevant dans ses deux beaux bras nus jusqu’au-dessus de sa tête, et en collant ensuite son charmant visage sur la bouche souriante de son nourrisson ; notre malheur ! Ah ! si Hyeronimo vous entendait comme je vous entends, père !…. Et elle lui fit une délicieuse moue avec les lèvres.