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CHAPITRE V.

chaise de bois, où le porte-clefs jetait sa veste et son trousseau de clefs, en se couchant.

Je me jetai d’abord à genoux devant une image de san Stefano, le saint de nos montagnes, qui se trouvait par hasard attachée par quatre clous sur la muraille. Je me dis en moi-même : Bon ! c’est un protecteur inattendu que je trouve dans ma détresse ; tu me secourras, toi, moi qui suis une fille de la montagne, née et grandie a l’ombre de ton couvent.

Je fis ma prière et je m’étendis ensuite tout habillée sur le lit, recouverte de mon manteau de bête, et ma pauvre zampogne, fatiguée, couchée à côté de ma tête, comme si elle avait été un compagnon vivant de ma solitude et de ma misère.

J’essayai de fermer les yeux pour dormir, mais ce fut impossible, monsieur ; plus je fermais mes paupières, plus j’y voyais en moi-même des personnes et des choses qui me donnaient un coup au cœur et des sursauts à la tête : les sbires sortant de derrière les arbres et tirant cruellement, malgré mes cris, sur mon chien et mes pauvres bêtes ; Hyeronimo lâchant sur eux son coup de feu ; le bandit de sbire mort au pied de l’arbre ; Hyeronimo, surpris et enchaîné, conduit par eux au supplice ; mon père aveugle et ma tante désespérée tendant leurs bras dans la nuit pour le retenir et ne retenant que son ombre ; des juges, un corps mort étalé devant eux ; des soldats chargeant leurs carabines avec des balles de fer dans un ci-