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FIOR D’ALIZA.

m’ôtait l’ouïe, à force de tendre l’oreille, et je n’entendais plus qu’un bourdonnement confus semblable à un grand vent précurseur de la pluie à travers les rameaux de sapins, quand la tempête commence à se lever de loin sur la mer des Maremmes et qu’elle monte au sommet de nos montagnes.

CLXIV

Seigneur ! me disais-je, si c’était lui, pourtant, et si le hasard, ou le saint nom du hasard, le bon Dieu, nous avait rapprochés ainsi, dès le second jour, l’un de l’autre, pour nous secourir ou pour mourir du moins ensemble du même déchirement et de la même mort !…

Mais c’est impossible, et quel moyen de m’en assurer ? Comment connaître si c’est lui qui se torture là-bas, au fond, dans la loge de bêtes féroces ; comment lui faire savoir, sans nous trahir l’un l’autre à l’oreille des autres prisonniers ou du bargello, que je suis là tout près de lui, cherchant les moyens de l’assister ?

Ma voix n’irait pas jusqu’à ces profondeurs ; la sienne ne monterait pas jusqu’à ces hauteurs ; et puis, si nous parvenions à nous parler, tout le monde entendrait ce que nous nous serions dit, et le bargello et sa femme, si bons pour moi parce qu’ils ne me connaissent pas, ne manqueraient pas d’éventer qui je suis et de me jeter dehors comme