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CHAPITRE V.

CLXXI

Cependant je tombai à genoux pour bénir Dieu d’avoir pu seulement entendre le son de ses chaînes ; toute ma crainte était qu’on ne m’éloignât tout à l’heure de l’asile que le hasard m’avait ouvert la veille ; j’aurais été contente d’être une pierre scellée dans ces murailles, afin qu’on ne pût jamais n’arracher d’auprès de lui ! Mais qu’allais-je devenir au réveil du bargello et de sa femme ? Au moment où je roulais ces transes de mon cœur dans ma pensée, à genoux devant mon lit, les mains jointes sur la zampogne muette, et le visage, baigné de larmes, enfoui dans les poils de bête du manteau de mon oncle, la porte de la chambre s’ouvrit sans bruit, comme si une main d’ange l’avait poussée, et la femme du bargello entra, croyant que, je dormais encore.

En me voyant ainsi, tout habillée de si bon matin et faisant si dévotement ma prière (elle le crut ainsi du moins), la brave créature conçut encore, à ce qu’elle m’a dit depuis, une meilleure idée du petit pifferaro et une plus vive compassion de mon isolement dans cette grande ville de Lucques.

Je m’étais levée toute confuse au bruit, et je tremblais qu’elle vînt me demander compte des airs de musique