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CHAPITRE PREMIER.

C’était un mince petit volume d’une magnifique impression, édité à cinq ou six cents exemplaires, et qui paraissait plus fait pour être offert par un auteur timide à un petit nombre d’amis d’élite et de femmes de goût, qu’à être lancé à grand nombre dans le rapide courant de la publicité anonyme ; je n’avais pas même permis à M. de Genoude et au duc de Rohan, mes amis, qui s’en occupaient à mon défaut, d’y mettre mon nom. « Si cela réussit, leur disais-je, on saura bien le découvrir, et si cela échoue, l’insaisissable anonyme ne donnera qu’une ombre sans corps à saisir à la critique. »


III

Le volume ne fut mis en vente que la veille de mon départ de Paris. La seule nouvelle que j’eus de mon sort, dans la matinée de mon départ, fut un mot de M. Gosselin m’annonçant que le public d’élite se portait en foule à sa librairie pour retenir les exemplaires, et un billet de l’oracle, le prince de Talleyrand, à son amie, la sœur du fameux prince Poniatowski, billet qu’elle m’envoyait a huit heures du matin, et dans lequel le grand diplomate lui disait qu’il avait passé la nuit à me lire, et que l’âme avait enfin son poëte. Je n’aspirais pas au génie, l’âme me suffisait ; tous mes pauvres vers n’étaient que des soupirs.