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FIOR D’ALIZA.

Les poëtes italiens eux-mêmes, Dante, Alfieri, avaient dit des choses aussi dures à leur patrie. Ces reproches, d’ailleurs, n’étaient pas dans ma bouche, mais dans la bouche de lord Byron : ils n’égalaient pas l’âpreté de ses interpellations à l’Italie. Ce poëme fit grand bruit : ce bruit alla jusqu’à Florence. J’y arrivai deux mois après en qualité de premier secrétaire de légation.

À peine y fus-je arrivé qu’une vive émotion patriotique s’éleva contre moi. On traduisit mes vers séparés du cadre, on les fit répandre à profusion dans les salons, au théâtre, dans le peuple ; on s’indigna, dans des articles de journaux et dans des brochures, de l’insolence du gouvernement français, qui envoyait, pour représenter la France dans le centre de l’Italie littéraire et libérale, un homme dont les vers étaient un outrage à l’Italie. La rumeur fut grande, et je fus quelque temps proscrit par toutes les opinions. Il y avait alors à Florence des exilés de Rome, de Turin, de Naples, réfugiés sur le sol toscan, à la suite des trois révolutions qui venaient de s’allumer et de s’éteindre dans leur patrie. Au nombre de ces proscrits se trouvait le colonel Pepe. Le colonel Pepe était un des officiers les plus distingués de l’armée ; il avait suivi Napoléon en Russie ; il était, de plus, écrivain de talent. Il prit en main la cause de sa patrie ; il fit imprimer contre moi une brochure dont l’honneur de mon pays et l’honneur de mon poste ne me permettaient pas d’accepter les termes. J’en demandai satisfaction. Nous nous battîmes dans une prairie au bord de