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CHAPITRE DEUXIÈME.

tiers que des spectacles de vie pastorale, de félicité rustique, de sécurité et de paix. Des paysages de Léopold Robert, des moissonneurs, des vendangeurs, des bœufs accouplés ruminant à l’ombre, pendant que les enfants chassaient les mouches de leurs flancs avec des rameaux de myrte ; des muletiers ramenant aux villages lointains leurs femmes qui allaitaient leurs enfants, assises dans un des paniers ; de jeunes filles dignes de servir de type à Raphaël, s’il eût voulu diviniser la vie et l’amour, au lieu de diviniser le mystère et la virginité ; des fiancés, précédés des pifferari (joueurs de cornemuse), allant à l’église pour faire bénir leur félicité ; des moines, leur rosaire à la main, bourdonnant leurs psaumes comme l’abeille bourdonne en rentrant à la ruche avec son butin ; des frères quêteurs, le visage coloré de soleil et de santé, le dos plié sous le fardeau de pain, de fruits, d’œufs, de fiasques d’huile et de vin, qu’ils rapportaient au couvent ; des ermites assis sur leurs nattes au seuil de leur ermitage ou de leur grotte de rocher au soleil, et souriant aux jeunes femmes et aux enfants qui leur demandaient de les bénir : voilà les spectacles de cette nature ; il n’y avait la rien pour la tristesse et la mort. Qu’est-ce qui me ramena donc à cette pensée ? Je n’en sais rien ; j’imagine que ce fut précisément le contraste, l’étreinte de la volupté sur le cœur qui le presse trop fort, et qui en exprime trop complètement la puissance de jouir et d’aimer, et qui lui fait sentir que tout va finir promptement, et que la dernière