Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/137

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Un orateur qui parle aux flots séditieux ?
Est-ce un tribun de paix soulevé par la houle,
Offrant, le cœur gonflé, sa poitrine à la foule,
Pour que la liberté remontât pure aux cieux ?

Car dans ce pied qui lutte et dans ce front qui vibre,
Dans ces lèvres de feu qu’ent’rouvre un souffle libre,
Dans ce cœur qui bondit, dans ce geste serein,
Dans cette arche du flanc que l’extase soulève,
Dans ce bras qui commande et dans cet œil qui rêve
Phidias a pétri sept urnes dans l’airain !

Sept âmes, Phidias ! et je n’en ai plus une !
De tout ce qui vécut je subis la fortune,
Arme cent fois brisée entre les mains du temps,
Je sème de tronçons ma route vers la tombe,
Et le siècle hébété dit : « Voyez comme tombe
« À moitié du combat chacun des combattants !

« Celui-là chanta Dieu, les idoles le tuent !
« Au mépris des petits les grands le prostituent.
« Notre sang, disent ils, pourquoi l’épargnas-tu ?
« Nous en aurions taché la griffe populaire !…
« Et le lion couché, lui dit avec colère :
« Pourquoi m’as-tu calmé ? ma force est ma vertu ! »

Va, brise, ô Phidias, ta dangereuse épreuve ;
Jettes-en les débris dans le feu, dans le fleuve,