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maine ne peut franchir. Sur cette limite de l’infini, tout paraît petit, même ce qu’il y a de plus grand dans l’homme, ses affections et ses douleurs. Taisons-nous donc, si nous regardons du côté éternel de ce sépulcre.

Mais si nous regardons du côté terrestre, disons aux survivants quel fut l’homme que nous ensevelissons ici dans l’estime universelle de ses contemporains, dans la mémoire bienveillante de son siècle et dans les inconsolables regrets de ses amis.

Toute la vie d’Aimé Martin se raconte en un mot. Il fut un homme de lettres dans l’antique et grande signification de ce mot ; c’est-à-dire qu’après avoir jeté un regard sur toutes les occupations, sur toutes les ambitions, sur toutes les gloires qui s’offrent à l’homme de talent à son entrée dans la vie, il n’en trouva qu’une digne de lui : cultiver sa pensée, perfectionner son intelligence, grandir, ennoblir, élever, diviniser son âme, et la rapporter à son Créateur plus lumineuse, plus pure, plus sainte qu’il ne l’avait reçue de ses mains. Découvrir Dieu dans ses œuvres, le faire comprendre, adorer, bénir dans sa création, ce fut sa tâche à lui. Sa vie entière ne fut que travail ; ce travail, qu’un acte de foi dans la Providence ici-bas, dans l’immortalité ailleurs. Si la tombe devait tromper les espérances de l’homme de bien, aucun mourant n’eût été plus déçu que lui par le néant. Mais Celui qui ne trompe pas l’instinct d’un moucheron ne trompera pas le pressentiment du juste ; il est entré, n’en doutons pas, en possession de ses espérances et en jouissance de sa foi.

Quelle était sa philosophie ? Vous le savez tous, vous qui avez recueilli comme moi, dans ses livres ou dans ses entretiens, les confidences de son âme. Sa philosophie, c’était la