Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/294

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O Dieu ! que ta loi nous est rude !
Que nos cœurs saignent de tes coups !
Quel vide et quelle solitude
Fait cette absence autour de nous !
Par quel amour jaloux, par quel cruel mystère,
De tout ce qui l’ornait dépouilles-tu la terre ?
 
N’avons-nous pas besoin d’exemple et de flambeau ?
Et, pour que ton regard sans trop d’horreur s’y pose,
Dieu saint ! ne faut-il pas que quelque sainte rose
Te parfume ce vil tombeau ?
Elle était ce thym des collines
Que l’aurore semble attirer,
Que pour embaumer nos poitrines
Nos lèvres venaient respirer !
Dans cet air froid du monde infecté de nos vices,
Ses lèvres de corail étaient deux frais calices
D’où coulait ta parole en célestes accents.
Combien de fois moi-même, embaumé de ses grâces.
Comme en sortant d’un temple, en sortant de ses traces,
Je sentis mon cœur plein d’encens !

Oh ! qui jamais s’approcha d’elle
Sans éprouver sur son tourment
D’une brise surnaturelle
Le divin rafraîchissement ?
Au timbre de sa voix, au jour de sa paupière,
Amis ! qui ne sentit fondre son cœur de pierre,
Et ne dit en soi-même, en l’écoutant parler,
Ce que disait l’apôtre au disciple incrédule :
« Ne sens-tu pas, mon cœur, quelque chose qui brûle,
Et qui demande à s’exhaler ? »