Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/335

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Exhalant pour vous seul son souffle du matin.
« Je t’aime, lui dit-on, violette ou pervenche,
O sympathique fleur, dont l’urne qui se penche
M’adresse ce parfum lointain !

« Comme un amant distingue entre déjeunes têtes.
Parmi ces fronts charmants qui décorent nos fêtes,
L’odeur des blonds cheveux dont se souvient son cœur,
A travers ces parfums mystérieux et vagues
Que la brise des nuits fait flotter sur les vagues,
Je démêle et bois ton odeur ! »

 
Ainsi, fleur du Danube attachée à sa rive,
A travers tes forêts ton doux encens m’arrive,
Et mon cœur enivré se demande : « Pourquoi,
Pourquoi la vierge assise au pied du sycomore,
En murmurant les vers d’un pays qu’elle ignore,
Rougit-elle en pensant à moi ? »

C’est que la poésie est l’haleine de l’âme,
Que le vent porte loin aux oreilles de femme,
Et qui leur parle bas comme une voix d’amant ;
Que la vierge attentive à la strophe touchante
Croit entre sa pensée et le livre qui chante
Sentir un invisible aimant !

Oh ! combien de baisers d’une bouche secrète
Sur la page sacrée a reçus le poète,
Sans en avoir senti le délirant frisson !
Oh ! qu’il voudrait, semblable aux notes de sa lyre,
Vller boire un regard des yeux qui vont le lire,
Envieux d’un rêve et d’un son !…


Paris, 21 janvier 1837.