Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ma patrie est partout où rayonne la France,
Où son génie éclate aux regards éblouis !
Chacun est du climat de son intelligence ;
Je suis concitoyen de toute âme qui pense :
           La vérité, c’est mon pays !

Roule libre et paisible entre ces fortes races
Dont ton flot frémissant trempa l’âme et l’acier ;
Et que leur vieux courroux, dans le lit que tu traces,
Fonde au soleil du siècle avec l’eau du glacier !

Vivent les noble fils de la grave Allemagne !
Le sang-froid de leur front couvre un foyer ardent ;
Chevaliers tombés rois des mains de Charlemagne,
Leurs chefs sont les Nestors des conseils d’Occident.
Leur langue a les grands plis du manteau d’une reine,
La pensée y descend dans un vague profond ;
Leur cœur sûr est semblable au puits de la sirène,
Où tout ce que l’on jette, amour, bienfait ou haine,
           Ne remonte jamais du fond.

Roule libre et fidèle entre tes nobles arches,
Ô fleuve féodal, calme mais indompté !
Verdis le sceptre aimé de tes rois patriarches :
Le joug que l’on choisit est encor liberté !

Et vivent ces essaims de la ruche de France,
Avant-garde de Dieu, qui devancent ses pas !
Comme des voyageurs qui vivent d’espérance,
Ils vont semant la terre, et ne moissonnent pas…