Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/194

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pendu. La sentence fut exécutée ; mais, la corde ayant cassé, le malheureux Aboulias tomba au pied de la potence, et fut laissé pour mort sur la place des exécutions. Cependant les parents de sa fiancée, ayant obtenu du pacha que son cadavre leur serait remis pour l’ensevelir avec les formes de leur religion, emportèrent le corps dans leur maison ; et, s’apercevant qu’Aboulias donnait encore des signes de vie, ils le ranimèrent, le cachèrent dans une cave pendant quelques jours, et enterrèrent un cercueil vide, pour ne donner aucun soupçon aux Turcs. Mais ceux-ci avaient eu quelque vent de la supercherie, et Aboulias fut de nouveau arrêté, au moment où il s’échappait la nuit des portes de la ville. Conduit au pacha, il lui conta comment il avait été sauvé, indépendamment de toute volonté de sa part. Le pacha, d’après un texte du Koran qui était favorable à l’accusé, lui donna l’alternative ou d’être pendu une seconde fois, ou de se faire Turc. Aboulias préféra ce dernier parti, et pratiqua pendant quelque temps l’islamisme. Lorsque son aventure fut oubliée et sa conversion bien constatée, il trouva moyen de s’évader d’Alep et de s’embarquer pour l’île de Chypre, où il se fit de nouveau chrétien. Il épousa la femme qu’il aimait, se fit protéger des Français, et put reparaître impunément en Syrie, où il continuait son commerce de colporteur parmi les Druzes, les Maronites et les Arabes. Voilà l’homme qu’il nous fallait pour voyager dans ces contrées. Son talent en cuisine consiste à faire du feu en plein champ avec des arbustes épineux ou de la fiente de chameau desséchée, à suspendre une marmite de cuivre sur deux bâtons qui se croisent à leur extrémité, et à faire bouillir du riz et des poulets ou des morceaux de mouton dans cette marmite. Il chauffe aussi des