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roulis pour le cœur des faibles ; mais il réjouit le cœur de l’Arabe. Puisse son dos être pour vous un siège d’honneur, et vous porter souvent au divan de l’émir ! »


Parmi les secrétaires de l’émir se trouvait alors un des plus grands poëtes de l’Arabie. Je l’ignorais, et je ne l’ai su que plus tard. Quand il apprit par d’autres Arabes de Syrie que j’étais moi-même un poëte en Europe, il m’écrivit des vers toujours imprégnés de cette affectation et de cette recherche, toujours gâtés par ces jeux de mots qui sont le caractère des langues des civilisations vieillies, mais où l’on sent néanmoins une grande élévation de talent, et un ordre d’idées bien supérieur à ce que nous nous figurons en Europe.

Nous dormions sur des coussins du divan étendus sur une natte, au bruit des jets d’eau murmurant de toutes parts dans les jardins, dans les cours et dans les salles de cette partie du palais. Quand il fit jour, je vis à travers les grilles plusieurs musulmans qui faisaient leur prière dans la grande cour du palais. Ils étendent un tapis par terre pour ne point toucher la poussière ; ils se tiennent un moment debout, puis ils s’inclinent d’une seule pièce, et touchent plusieurs fois le tapis du front, le visage toujours tourné du côté de la mosquée ; ils se couchent ensuite à plat ventre sur le tapis ; ils frappent la terre du front ; ils se relèvent, et recommencent un grand nombre de fois les mêmes cérémonies, en reprenant les mêmes attitudes et en murmurant des prières. Je n’ai pas pu trouver le moindre ridicule dans ces attitudes et dans ces cérémonies, quelque bizarres qu’elles semblent à