Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/299

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ment d’une vingtaine de pieds au-dessus du niveau de la plaine, est rempli jusqu’au bord et déborde sans cesse ; le cours des eaux fait aller des roues de moulins ; — les eaux vont à Tyr par des aqueducs moitié antiques, moitié modernes, d’un très-bel effet à l’horizon. — On dit que Salomon fit construire ces trois puits pour récompenser Tyr et son roi Hiram des services qu’il avait reçus de sa marine et de ses artistes dans la construction du temple.

Hiram avait amené les marbres et les cèdres du Liban. Ces puits immenses ont chacun au moins soixante à quatre-vingts pieds de tour ; on n’en connaît pas la profondeur, et l’un d’eux n’a pas de fond ; nul n’a jamais pu savoir par quel conduit mystérieux l’eau des montagnes peut y arriver. Il y a tout lieu de croire, en les examinant, que ce sont de vastes puits artésiens inventés avant leur réinvention par les modernes.

Parti à cinq heures des Puits de Salomon ; — marché deux heures dans la plaine de Tyr ; — arrivé à la nuit au pied d’une haute montagne à pic sur la mer, et qui forme le cap Blanc ou Raz-el-Abiad ; la lune se levait au-dessus du sommet noir du Liban, à notre gauche, et pas assez haut encore pour éclairer ses flancs ; elle tombait, en nous laissant dans l’ombre, sur d’immenses quartiers de rochers blancs où sa lumière éclatait comme une flamme sur du marbre ; — ces roches, jetées jusqu’au milieu des vagues, brisaient leur écume étincelante, qui jaillissait presque jusqu’à nous ; le bruit sourd et périodique de la lame contre le cap retentissait seul, et ébranlait à chaque coup la corniche étroite