Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/408

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adresser les reproches qu’ils méritent. Pendant ce temps, la population tout entière descend des toits ; les scheiks nous enveloppent, et mêlent leurs cris sauvages aux hennissements de nos chevaux épouvantés ; une horrible confusion règne dans toute notre caravane ; nous armons nos fusils. Le neveu d’Abougosh, monté sur le toit d’une maison voisine du couvent, s’adresse tour à tour aux religieux et au peuple. Enfin nous obtenons, par capitulation, l’entrée du couvent : une petite porte de fer s’ouvre pour nous ; nous passons, en nous courbant, un à un ; nous déchargeons nos chevaux, que nous faisons passer après nous. Le neveu d’Abougosh et ses cavaliers arabes restent dehors, et campent à la porte. Les religieux, pâles et troublés, tremblent de nous toucher ; nous les rassurons en leur donnant notre parole que nous n’avons communiqué avec personne depuis Jaffa, et que nous n’entrerons pas à Jérusalem tant que nous serons dans l’asile que nous leur empruntons. Sur cette assurance les visages irrités reprennent de la sérénité ; on nous introduit dans les vastes corridors du monastère ; chacun de nous est conduit dans une petite cellule pourvue d’un lit et d’une table, et ornée de quelques gravures espagnoles de sujets pieux. On fait camper nos soldats, nos Arabes et nos chevaux dans un jardin inculte du couvent ; l’orge et la paille sont jetées par-dessus les murailles ; on tue pour nous, dans la rue, des moutons et un veau envoyés en présents par Abougosh ; et, pendant que mon cuisinier arabe prépare, avec les frères servants, notre repas dans la cuisine du couvent, chacun de nous va prendre un moment de repos dans sa cellule rafraîchie par la brise des montagnes, ou contempler la vue étrange qui entoure le monastère.