Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/50

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landes de lianes et ces fleurs que l’on voit si souvent onduler sur les parois des rochers de la Savoie, à des hauteurs où Dieu seul peut les respirer : nues, droites, noires, repoussant l’œil, elles ne sont là que pour défendre de l’air de la mer les collines de vignes et d’oliviers qui végètent sous leur abri. Images de ces hommes dominant une époque ou une nation, exposés à toutes les injures du temps et des tempêtes pour protéger des hommes plus faibles et plus heureux. Au fond de la calangue, la mer s’élargit un peu, serpente, prend une teinte plus claire à mesure qu’elle découvre plus de ciel, et finit enfin par une belle nappe d’eau dormante sur un lit de petits coquillages violets, concassés et serrés comme du sable. Si vous mettez le pied hors de la chaloupe qui vous a porté jusque-là, vous trouvez à gauche, dans le creux d’un ravin, une source d’eau douce, fraîche et pure ; puis, en tournant à droite, un sentier de chèvres pierreux, rapide, inégal, ombragé de figuiers sauvages et d’azeroliers, qui descend des terres cultivées vers cette solitude des flots. Peu de sites m’ont autant frappé, autant alléché dans mes voyages. C’est ce mélange parfait de grâce et de force qui forme la beauté accomplie dans l’harmonie des éléments comme dans l’être animé ou pensant. C’est cet hymen mystérieux de la terre et de la mer, surpris, pour ainsi dire, dans leur union la plus intime et la plus voilée. C’est cette image du calme et de la solitude la plus inaccessible, à côté de cet orageux et tumultueux théâtre des tempêtes, tout près du retentissement de ses flots. C’est un de ces nombreux chefs-d’œuvre de la création, que Dieu a répandus partout comme pour se jouer avec les contrastes, mais qu’il se plaît à cacher, le plus souvent, sur les cimes impraticables des monts escarpés, dans le fond des ravins