Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/75

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noire qui ne descend qu’à mi-jambe, un corset blanc à larges manches plissées et flottantes, une coiffure de cheveux noirs, et par-dessus les épaules et la tête un demi-manteau de soie noire semblable à la robe, couvrant la moitié de la figure, une des épaules et un des bras qui retient le manteau ; ce manteau, d’étoffe légère enflée par la brise, se dessine dans la forme d’une voile gonflée sur un esquif, et, dans ses plis capricieux, tantôt dérobe, tantôt dévoile la figure mystérieuse qu’il enveloppe, et qui semble lui échapper à plaisir. — Les unes lèvent gracieusement la tête pour causer avec d’autres jeunes filles qui se penchent au balcon supérieur et leur jettent des grenades ou des oranges ; les autres causent avec des jeunes hommes à longues moustaches, à noire et touffue chevelure, en vestes courtes et pincées, en pantalons blancs et ceintures rouges. — Assis sur le parapet du perron, deux jeunes abbés, en habit noir, en souliers bouclés d’argent, s’entretiennent familièrement, et jouent avec de larges éventails verts, tandis qu’au pied des dernières marches un beau moine mendiant, les pieds nus, le front pâle, chauve et blanc, découvert, le corps enveloppé des plis lourds de sa robe brune, s’appuie comme une statue de la Mendicité sur le seuil de l’homme riche et heureux, et regarde d’un œil de détachement et d’insouciance ce spectacle de bonheur, d’aisance et de joie. — À l’étage supérieur, on voit sur un large balcon, supporté par de belles cariatides et recouvert d’une viranda indienne garnie de rideaux et de franges, une famille d’Anglais, ces heureux et impassibles conquérants de la Malte actuelle. — Là, quelques nourrices moresques, aux yeux étincelants, au teint plombé et noir, tiennent dans leurs bras ces beaux enfants de la Grande-Bretagne, dont les cheveux blonds et