Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/88

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du firmament, monte et s’attache à la pointe du mât d’artimon, pour nous rallier pendant la nuit. Pendant que nos regards sont attachés à ce phare flottant qui doit nous guider, une musique délicieuse sort tout à coup des flancs lumineux de la frégate, et résonne sous son nuage de voiles comme sous les voûtes sonores d’une église.

Les harmonies varient et se succèdent ainsi pendant plusieurs heures, et répandent au loin, sur cette mer enchantée et dormante, tous les sons que nous avons entendus dans les heures les plus délicieuses de notre vie. Toutes les réminiscences mélodieuses de nos villes, de nos théâtres, de nos airs champêtres, reviennent porter notre pensée vers des temps qui ne sont plus, vers des êtres séparés maintenant de nous par la mort ou par le temps !

Demain, dans quelques heures peut-être, les sons terribles de l’ouragan qui fait crier les mâts, les coups redoublés des vagues sur les flancs creux du navire, le canon de détresse, le tonnerre, les voix convulsives de deux éléments en guerre, et de l’homme qui lutte contre leur fureur combinée, prendront la place de cette musique sereine et majestueuse !

Ces pensées montent dans tous les cœurs, et un silence complet règne sur les deux ponts. Chacun se rappelle quelques-unes de ces notes significatives et gravées par une forte impression dans la mémoire, et qu’il a entendues autrefois dans quelque circonstance heureuse ou sombre de la vie de son cœur ; chacun pense plus tendrement à ce qu’il a laissé derrière lui. On s’inquiète de ce défi que l’homme semble jeter aux tempêtes. Ce sont de ces moments qu’il