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utilité sociale. Volney parle, dans son Voyage en Syrie, de ce couvent près d’Antoura, où une femme, nommée Hindia, exerçait, dit-on, d’horribles atrocités sur ses novices. Le nom et l’histoire de cette Hindia sont encore très-présents dans ces montagnes. Emprisonnée pendant longues années par ordre du patriarche maronite, son repentir et sa bonne conduite lui obtinrent sa liberté. Elle est morte il y a peu de temps, en renommée de sainteté parmi quelques chrétiens de sa secte. C’était une femme fanatisée par sa volonté ou par son imagination, et qui avait réussi à fanatiser un certain nombre d’imaginations simples et crédules. Cette terre arabe est la terre des prodiges ; tout y germe, et tout homme crédule ou fanatique peut y devenir prophète à son tour : lady Stanhope en sera une preuve de plus. Cette disposition au merveilleux tient à deux causes : à un sentiment religieux très-développé, et à un défaut d’équilibre entre l’imagination et la raison. Les fantômes ne paraissent que la nuit ; toute terre ignorante est miraculeuse.

La terrasse du couvent d’Antoura, où nous nous promenions une partie du jour, est ombragée d’orangers magnifiques, cités déjà par Volney comme les plus beaux et les plus anciens de la Syrie : ils n’ont point péri ; semblables à des noyers de cinquante ans dans nos pays, ils ombragent le jardin et le toit du couvent de leur ombre épaisse et embaumée, et portent sur leurs troncs les noms de Volney et de voyageurs anglais qui avaient, comme nous, passé quelques moments à leurs pieds.

Le groupe de montagnes dans lequel se trouve compris Antoura est connu sous le nom de Kesrouan, ou de la chaîne