Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Si je vois des champs verts qu’un ciel pur entretienne,
De doux vallons s’ouvrant pour embrasser la mer,
Je passe, et je me dis avec un rire amer :
Place pour le bonheur, hélas ! et non la mienne !
Mon esprit n’a d’écho qu’où l’on entend gémir ;
Partout où l’on pleura mon âme a sa patrie :
Une terre de cendre et de larmes pétrie

Est le lit où j’aime à dormir.


Demandez-vous pourquoi ? Je ne pourrais le dire :
De cet abîme amer je remûrais les flots,
Ma bouche pour parler n’aurait que des sanglots.
Mais déchirez ce cœur, si vous voulez y lire !
La mort dans chaque fibre a plongé le couteau ;
Ses battements ne sont que lentes agonies,
Il n’est plein que de morts comme des gémonies ;

Toute mon âme est un tombeau !


Or, quand je fus aux bords où le Christ voulut naître,
Je ne demandai pas les lieux sanctifiés
Où les pauvres jetaient les palmes sous ses piés,
Où le Verbe à sa voix se faisait reconnaître,
Où l’Hosanna courait sur ses pas triomphants,
Où sa main, qu’arrosaient les pleurs des saintes femmes,
Essuyant de son front la sueur et les flammes,

Caressait les petits enfants :


Conduisez-moi, mon père, à la place où l’on pleure,
À ce jardin funèbre où l’Homme de salut,
Abandonné du Père et des hommes, voulut
Suer le sang et l’eau qu’on sue avant qu’on meure !