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30 mars.


J’avais traversé les sommets du Sannin, couverts de neiges éternelles, et j’étais redescendu du Liban, couronné de son diadème de cèdres, dans le désert nu et stérile d’Héliopolis, à la fin d’une journée pénible et longue. À l’horizon encore éloigné devant nous, sur les derniers degrés des montagnes noires de l’Anti-Liban, un groupe immense de ruines jaunes, doré par le soleil couchant, se détachait de l’ombre des montagnes, et se répercutait des rayons du soir. Nos guides nous le montraient du doigt, et s’écriaient : Balbek ! Balbek ! C’était en effet la merveille du désert, la fabuleuse Balbek, qui sortait tout éclatante de son sépulcre inconnu, pour nous raconter des âges dont l’histoire a perdu la mémoire.

Nous avancions lentement aux pas de nos chevaux fatigués, les yeux attachés sur les murs gigantesques, sur les colonnes éblouissantes et colossales, qui semblaient s’étendre, grandir, s’allonger à mesure que nous approchions : un profond silence régnait dans toute notre caravane ; chacun aurait craint de perdre une impression de cette heure en communiquant celle qu’il venait d’avoir. Les Arabes même se taisaient, et semblaient recevoir aussi une forte et grave pensée de ce spectacle qui nivelle toutes les pensées. Enfin, nous touchâmes aux premiers tronçons de colonnes, aux premiers blocs de marbre que les tremblements de terre ont