Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/195

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Ceux-ci dansèrent ainsi jusqu’à ce que, accablés de fatigue et inondés de sueur, ils ne pussent plus supporter la rapidité toujours croissante de la mesure ; ils roulèrent à terre, d’où on les emporta. Les femmes n’assistaient pas à ce spectacle ; mais celles de l’émir, dont le harem donnait sur la cour, en jouissaient de leurs chambres, et nous les voyions, à travers des grillages de bois, se presser aux fenêtres pour regarder les danseurs. Les esclaves de l’émir nous apportèrent des sorbets et des confitures de toute espèce, ainsi que des boissons exquises, composées de jus de grenade et de fleurs d’oranger à la glace, dans des coupes de cristal ; d’autres esclaves nous présentaient, pour essuyer nos lèvres, des serviettes de mousseline brodée en or. Le café fut aussi servi plusieurs fois, et les pipes sans cesse renouvelées. Je causai une demi-heure avec l’émir ; il me parut un homme de bon sens et d’esprit, fort au-dessus de l’idée que les grossiers plaisirs de son peuple auraient pu donner de lui : c’est un homme d’environ cinquante ans, d’une belle figure, ayant les manières les plus dignes et les plus nobles, la politesse la plus solennelle ; toutes choses que le dernier des Arabes possède comme un don du climat, ou comme l’héritage d’une antique civilisation. Son costume et ses armes étaient de la plus grande magnificence. Ses chevaux admirables étaient répandus dans les cours et dans le chemin ; il m’en offrit un des plus beaux ; il m’interrogea avec la plus délicate discrétion sur l’Europe, sur Ibrahim, sur l’objet de mon voyage au milieu de ces déserts. Je répondis avec une réserve affectée, qui put lui faire croire que j’avais en effet un tout autre but que celui de visiter des colonnes et des ruines. Il m’offrit toute sa tribu pour m’accompagner à Damas, à travers la chaîne inconnue de l’Anti--