Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/24

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y est infect et malsain. Nous en éprouvâmes nous-mêmes l’influence pendant plusieurs jours que nous passâmes dans ce désert. Une grande pesanteur de tête et un sentiment fébrile nous atteignit tous, et ne nous abandonna qu’en quittant cette atmosphère. On n’y aperçoit pas d’île. Cependant, au coucher du soleil, du haut d’un monticule de sable, je crus en distinguer deux à l’extrémité de l’horizon, du côté de l’Idumée. Les Arabes n’en savent rien. La mer a, dans cette partie, au moins trente lieues de long, et ils ne s’aventurent jamais à suivre si loin son rivage. Aucun voyageur n’a jamais pu tenter une circumnavigation de la mer Morte ; elle n’a même jamais été vue par son autre extrémité, ni par ses deux rivages de Judée et d’Arabie. Nous sommes, je crois, les premiers qui ayons pu en toute liberté l’explorer sous les trois faces ; et si nous avions eu à nous un peu plus de temps à dépenser, rien ne nous eût empêchés de faire venir des planches de sapin du Liban, de Jérusalem ou de Jaffa, de faire construire sur les lieux une chaloupe, et de visiter en paix toutes les côtes de cette méditerranée merveilleuse.

Les Arabes, qui ne laissent pas ordinairement approcher les voyageurs, et dont les préjugés s’opposent à ce que personne tente de naviguer sur cette mer, étaient tellement dévoués à nos moindres volontés, qu’ils n’auraient mis nul obstacle à notre tentative. Je l’aurais certainement exécutée, si j’avais pu prévoir l’accueil que ces Arabes nous firent. — Mais il était trop tard ; il aurait fallu renvoyer à Jérusalem, faire venir des charpentiers pour construire la barque : tout cela nous eût pris, avec la navigation, au moins trois semaines, et nos jours étaient comptés. J’y re-