Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/283

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tagnes ; un certain nombre étaient creusées, comme des grottes de bêtes fauves, dans le rocher même ; on n’apercevait que la porte surmontée d’une ogive vide où pendait la cloche, et quelques petites terrasses taillées sous la voûte même du roc, où les moines vieux et infirmes venaient respirer l’air et voir un peu de soleil, partout où le pied de l’homme pouvait atteindre. Sur certains rebords des précipices, l’œil ne pouvait reconnaître aucun accès ; mais, là même, un couvent, une solitude, un oratoire, un ermitage, et quelques figures de solitaires circulant parmi les roches et les arbustes, travaillant, lisant ou priant. Un de ces couvents était une imprimerie arabe pour l’instruction du peuple maronite, et l’on voyait sur la terrasse une foule de moines allant et venant, et étendant sur des claies de roseaux les feuilles blanches du papier humide. Rien ne peut peindre, si ce n’est le pinceau, la multitude et le pittoresque de ces retraites : chaque pierre semblait avoir enfanté sa cellule, chaque grotte son ermite ; chaque source avait son mouvement et sa vie, chaque arbre son solitaire sous son ombre ; partout où l’œil tombait, il voyait la vallée, la montagne, les précipices, s’animer, pour ainsi dire, sous son regard, et une scène de vie, de prière, de contemplation, se détacher de ces masses éternelles, ou s’y mêler pour les consacrer.

Mais bientôt le soleil tomba, les travaux du jour cessèrent, et toutes les figures noires répandues dans la vallée rentrèrent dans les grottes ou dans les monastères. Les cloches sonnèrent de toutes parts l’heure du recueillement et des offices du soir, les unes avec la voix forte et vibrante des grands vents sur la mer, les autres avec les voix légères et