Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/436

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Les murs de Constantinople prennent naissance au château des Sept-Tours, sur la mer de Marmara, et s’étendent jusqu’aux sommités des collines qui couvrent le faubourg d’Eyoub, vers l’extrémité du port, aux eaux douces d’Europe, — enceignant ainsi toute la ville ancienne des empereurs grecs, et la ville de Stamboul des empereurs turcs, par le seul côté du triangle qui ne soit pas protégé par la mer. De ce côté, rien ne défendrait Constantinople que les pentes insensibles de ses collines, qui vont mourir dans une belle plaine cultivée. Là, on construisit ce triple rang de murs où tant d’assauts échouèrent, et derrière lesquels le misérable empire grec se crut si longtemps impérissable. Ces murs admirables existent toujours ; et ce sont, après le Parthénon et Balbek, les plus majestueuses ruines qui attestent la place d’un empire. J’en ai suivi le pied du côté extérieur, ce matin. Ce sont des terrasses de pierre, de cinquante à soixante pieds d’élévation, et quelquefois de quinze à vingt pieds de large, revêtues de pierres de taille d’une belle couleur gris blanc, souvent même entièrement blanches, et comme sortant du ciseau de l’ouvrier. On en est séparé par d’anciens fossés, comblés de débris et de terre végétale luxuriante, où les arbres et les plantes pariétaires ont pris racine depuis des siècles, et forment un impénétrable glacis. C’est une forêt vierge de trente ou quarante pas de large, remplie de nids d’oiseaux et peuplée de reptiles. Quelquefois cette forêt cache entièrement les flancs des murs et des tours carrées dont elle est flanquée, ou n’en laisse apercevoir que les créneaux élevés. Souvent la muraille reparaît dans toute sa hauteur, et réverbère, avec un éclat doré, les rayons du soleil. Elle est échancrée du haut par des brèches de toutes les formes, d’où la verdure des-