Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/452

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mes moindres désirs. Pendant les derniers jours de ma convalescence, ils m’accompagnèrent dans des courses à cheval dans la magnifique vallée et sur les montagnes des environs d’Yenikeui ; le prince me fit offrir jusqu’à des esclaves ; un détachement de ses cavaliers m’accompagna au départ jusqu’aux limites de son gouvernement. J’ai pu étudier là, dans l’intérieur même des familles, les mœurs des Bulgares ; ce sont les mœurs de nos paysans suisses ou savoyards : ces hommes sont simples, doux, laborieux, pleins de respect pour leurs prêtres et de zèle pour leur religion ; c’est la religion grecque. Les prêtres sont de simples paysans laboureurs, comme eux. Les Bulgares forment une population de plusieurs millions d’hommes qui s’accroît sans cesse ; ils vivent dans de grands villages et de petites villes séparées des Turcs : un Turc ou deux, délégués par le pacha ou l’ayam, parcourent toute l’année ces villages pour recueillir les impôts ; hors de là et de quelques corvées, ils vivent en paix et selon leurs propres mœurs. Leur costume est celui des paysans d’Allemagne ; les femmes et les filles ont un costume à peu près semblable à celui des montagnes de Suisse ; elles sont jolies, vives, gracieuses.

Les mœurs m’ont paru pures, quoique les femmes cessent d’être voilées comme en Turquie, et fréquentent librement les hommes. J’ai vu des danses champêtres parmi les Bulgares comme dans nos villages de France ; ils méprisent et haïssent les Turcs ; ils sont complètement mûrs pour l’indépendance, et formeront avec les Serviens, leurs voisins, la base des États futurs de la Turquie d’Europe. Le pays qu’ils habitent serait bientôt un jardin délicieux, si l’oppression aveugle et stupide, non pas du gouvernement, mais de