Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/49

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passionnée je crois entendre les paroles, et que la poésie de la langue chantée me révèle et me parle la poésie de la langue écrite. Faut-il même tout dire ? je n’ai jamais lu de poésie comparable à cette poésie que j’entendais dans la langue inintelligible pour moi de ces Arabes : l’imagination dépassant toujours la réalité, je croyais comprendre la poésie primitive et patriarcale du désert ; je voyais le chameau, le cheval, la gazelle ; je voyais l’oasis dressant ses têtes de palmiers d’un vert jaune au-dessus des dunes immenses de sable rouge, les combats des guerriers, et les jeunes beautés arabes enlevées et reprises parmi la mêlée, et reconnaissant leurs amants dans leurs libérateurs. Cela me rappelle que j’ai eu toujours plus de plaisir à lire un poëte étranger dans une détestable et plate traduction, que dans l’original même : c’est que l’original le plus beau laisse toujours quelque chose à désirer dans l’expression, et que la mauvaise traduction ne fait qu’indiquer la pensée, le motif poétique ; que l’imagination, brodant elle-même ce motif avec des paroles qu’elle suppose aussi transparentes que l’idée, jouit d’un plaisir complet et qu’elle se crée à elle-même. L’infini étant dans la pensée, elle le suppose dans l’expression : le plaisir est ainsi infini. Il faut, pour se donner ce plaisir, être jusqu’à un certain point musicien ou poëte ; mais qui ne l’est pas ?

Antar, à la fois le héros et le poëte de l’Arabe errant, est peu connu de nous ; nous savons mal son histoire ; nous ignorons même la date précise de son existence. Quelques savants prétendent qu’il vivait dans le sixième siècle de notre ère. Les traditions locales reportent sa vie bien plus haut. Antar, selon ces traditions empruntées en partie à son