Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/51

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Je regrette qu’un orientaliste exercé ne traduise pas pour nous Antar tout entier ; cela vaudrait mieux qu’un voyage, car rien ne réfléchit autant les mœurs qu’un poëme ; cela rajeunirait aussi nos propres inspirations par les couleurs si neuves qu’Antar a puisées dans ses solitudes ; cela serait, de plus, amusant comme l’Arioste, touchant comme le Tasse. Je ne puis douter que la poésie italienne de l’Arioste et du Tasse ne soit sœur des poésies arabes : la même alliance d’idées qui produisit l’Alhambra, Séville, Grenade, et quelques-unes de nos cathédrales, a produit la Jérusalem et les drames charmants du poëte de Reggio. Antar est plus intéressant que les Mille et une Nuits, parce qu’il est moins merveilleux. Tout l’intérêt est puisé dans le cœur de l’homme et dans les aventures vraies ou vraisemblables du héros et de son amante. Les Anglais ont une traduction presque complète de ce délicieux poëme ; nous n’en possédons que quelques beaux fragments, disséminés dans nos revues littéraires. Le lecteur pourra à peine entrevoir, à travers les imperfections des morceaux placés à la fin de cet ouvrage, les admirables beautés de l’original.

À quelques pas de moi, une jeune femme turque pleurait son mari sur un de ces petits monuments de pierre blanche dont toutes les collines, autour de Jérusalem, sont parsemées : elle paraissait à peine avoir dix-huit ou vingt ans, et je ne vis jamais une si ravissante image de la douleur. Son profil, que son voile rejeté en arrière me laissait entrevoir, avait la pureté de lignes des plus belles têtes du Parthénon ; mais en même temps la mollesse, la suavité et la gracieuse langueur des femmes de l’Asie, beauté bien plus féminine, bien plus amoureuse, bien plus fascinante pour le cœur que