Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/83

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-ci sur un dromadaire, ceux-là sur un cheval, sortir des roseaux qui ombragent les culées du pont, gravir lentement le sommet des arches, se dessiner là un moment sur le bleu de la mer avec leur monture et leur costume éclatant et bizarre, puis redescendre de cette cime de ruines, et disparaître avec leur longue file d’ânes et de chameaux sous les touffes de roseaux, de lauriers-roses et de platanes, qui ombragent l’autre rive du fleuve. Un peu plus loin on les voyait reparaître sur la grève de sable où les hautes vagues venaient rouler leur frange d’écume jusque sous les pieds des montures. D’immenses rochers à pic d’un cap avancé les cachaient enfin, et, se prolongeant dans la mer, bornaient l’horizon de ce côté. À l’embouchure du fleuve, la mer était de deux couleurs, bleue et verte au large, et étincelante de diamants mobiles ; jaune et terne à l’endroit où les eaux du fleuve luttaient avec ses vagues et les teignaient de leur sable d’or, qu’elles entraînent sans cesse dans cette rade. Dix-sept navires, à l’ancre dans ce golfe, se balançaient pesamment sur les grosses lames qui le sillonnent toujours, et leurs mâts s’élevaient et s’abaissaient comme de longs roseaux au souffle du vent. Les uns avaient leurs mâts nus comme des arbres d’hiver ; les autres, étendant leurs voiles pour les faire sécher au soleil, ressemblaient à ces grands oiseaux blancs de ces mers, qui planent sans qu’on voie trembler leurs ailes. Le golfe, plus éclatant que le ciel qui le couvre, réfléchissait une partie des neiges du Liban, et les monastères aux murs crénelés, debout sur les pics avancés. Quelques barques de pêcheurs passaient à pleines voiles, et venaient s’abriter dans le fleuve.

La vallée sous nos pas, les pentes vers la plaine, le fleuve