Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Scheik-Ibrahim était fort mécontent ; il désirait pénétrer plus avant dans le désert et s’avancer vers Bagdad, et il se trouvait lié à une tribu qui restait entre Damas et Homs. Il perdait ainsi tout l’été, ne pouvant s’éloigner qu’au péril de sa vie. Il me chargea de prendre des renseignements sur le drayhy, de connaître son caractère, de savoir les lieux où il passe l’été, où il se retire l’hiver, s’il reçoit des étrangers, et mille autres particularités ; enfin il me dit avoir le plus grand intérêt à être bien informé.

Ces détails étaient difficiles à obtenir sans éveiller les soupçons. Il fallait trouver quelqu’un qui ne fût pas de la tribu de El-Hassnné. À la fin, je parvins à me lier avec un nommé Abdallah-el-Chahen (le poëte). Sachant que les poëtes sont recherchés des grands, je l’interrogeai sur toutes les tribus qu’il avait visitées, et j’appris avec plaisir qu’il avait été longtemps chez le drayhy. J’obtins de lui tous les renseignements que je voulais avoir.

Un jour, Nasser me fit écrire au scheik de Saddad et à celui de Coriétain, pour demander à chacun mille piastres et six machlas. Ce droit s’appelle droit de fraternité ; c’est un arrangement entre les scheiks de villages et les plus puissants chefs de Bédouins pour être protégés contre les ravages des autres tribus. Cette taxe est annuelle. Ces malheureux villages se ruinent à contenter deux tyrans : les Bédouins et les Turcs.

Mehanna a une fraternité avec tous les villages des territoires de Damas, Homs et Hama, ce qui lui fait un revenu d’environ cinquante mille piastres ; le pacha de Damas lui