Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/231

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révolution d’une nouvelle espèce, il n’en fit que rire, et m’assura que c’était un des plus grands amusements des Bédouins. Pendant que nous parlions, un chameau de la plus forte taille venait droit sur nous, la tête haute, soulevant la poussière de ses larges pieds. Le drayhy, saisissant un des pieux de sa tente, attendit l’animal furieux, et lui asséna un coup violent sur le crâne. Le bois se rompit, et le chameau se détourna pour aller ailleurs exercer ses ravages. Une contestation s’éleva alors : il s’agissait de savoir lequel était le plus fort, du chameau ou du scheik. Celui-ci prétendait que, si le pieu avait résisté, il aurait fendu la tête de son adversaire ; et les assistants proclamaient la supériorité de l’animal, qui avait brisé l’obstacle qui lui était opposé. Quant à moi, je décidai qu’ils étaient tous d’eux d’égale force, puisque ni l’un ni l’autre n’avait vaincu. Cet arrêt excita la gaieté de tout l’auditoire.

Le lendemain, nous levâmes le camp. Un messager de Saker nous rejoignit en route ; il venait nous rendre compte du mauvais succès de sa négociation auprès de Bargiass. Absi, le colporteur, jouissait de toute sa faveur, et l’animait de plus en plus contre nous ; il l’avait décidé à rejoindre Mehanna, et à se réunir aux Wahabis, qui devaient envoyer une armée pour nous détruire. Le drayhy répondit qu’il ne fallait pas se troubler ; que Dieu était plus fort qu’eux, et saurait bien faire triompher le bon droit. Après cet incident, nous continuâmes notre route.

Bientôt après, nous apprîmes que la tribu El-Calfa était campée à Zualma. Le drayhy jugeait important de nous assurer de la coopération de cette tribu puissante et cou-