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pour faire, disait-il, sa paix avec moi : « Par la tête de mon père, s’écria-t-elle, vous n’entrerez chez moi que lorsque Abdallah sera entièrement guéri ! »

Je restai trois jours sous la tente de Bargiass, soigné de la manière la plus affectueuse par sa femme, qui, pendant ce temps, négociait une réconciliation avec son mari. Je lui gardais une si forte rancune de sa brutalité, que j’eus bien de la peine à lui pardonner. À la fin cependant je consentis à oublier le passé, à la condition qu’il signerait le traité avec le drayhy. Nous nous embrassâmes, et nous jurâmes fraternité. Bargiass me donna un nègre en me disant : — « J’ai sacrifié votre argent, je vous donne en retour un bijou. » Jeu de mots sur les noms des deux nègres, Fodda, argent, et Giauhar, bijou. Puis il fit préparer un festin en honneur de notre réconciliation. Au milieu du repas, un courrier du drayhy arriva bride abattue, apportant à Bargiass une déclaration de guerre à mort, pleine d’épithètes outrageantes : « Oh ! toi, traître, qui violes la loi sacrée des Bédouins, lui disait-il ; toi, infâme, qui massacres tes hôtes : toi, Osmanli au noir visage, sache que tout le sang de ta tribu ne suffira pas pour racheter celui de mon cher Abdallah. Prépare-toi au combat ! Mon coursier ne goûtera plus de repos que je n’aie détruit le dernier de ta race. » Je me hâtai de partir pour prévenir tout conflit, et rassurer Scheik-Ibrahim et le drayhy. Je ne saurais dire avec quelle joie je fus reçu : ils ne pouvaient en croire leurs yeux, tant ma présence leur semblait miraculeuse. Je leur racontai ce qui s’était passé.

Le lendemain, je me remis en route pour Coriétain, où