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mis pied à terre, le drayhy le fit asseoir à la place d’honneur, au coin de la tente, et ordonna d’apporter le café. Alors Mehanna se levant : « Je ne boirai de ton café, dit-il, que lorsque nous serons complétement réconciliés, et que nous aurons enterré les sept pierres. » À ces mots, le drayhy s’étant levé également, ils tirèrent leurs sabres et se les présentèrent mutuellement à baiser ; ils s’embrassèrent ensuite, ainsi que tous les assistants. Mehanna fit avec sa lance, au milieu de la tente, un creux en terre de la profondeur d’un pied ; et ayant choisi sept petites pierres, il dit au drayhy : « Au nom du Dieu de paix, pour ta garantie et pour la mienne, nous enterrons ainsi à jamais notre discorde. »

À mesure qu’ils jetaient les pierres dans le trou, les deux scheiks les recouvraient, et foulaient la terre avec leurs pieds, tandis que les femmes poussaient des cris de joie assourdissants. Cette cérémonie terminée[1], ils reprirent leurs places, et l’on servit le café. De ce moment il n’était plus permis de revenir sur le passé et de parler de guerre. On m’assura qu’une réconciliation, pour être en règle, devait toujours se faire de la sorte. Après un repas copieux je fis la lecture du traité, auquel Mehanna et quatre autres chefs de tribus apposèrent leur cachet[2]. Leurs forces réunies se montaient à sept mille six cents tentes, et, ce qui était encore bien plus important, le drayhy devenait par là chef de

  1. Cette cérémonie s’appelle hasnat.
  2. Ces chefs étaient : Zarack-Ebn-Fahrer, chef de la tribu El-Gioullan ; Giarah-Ebn-Meghiel, chef de la tribu El-Giahma ; Ghaleb-Ebn-Ramdoun, chef de la tribu El-Ballahiss ; et Faress-Ebn-Nedged, chef de la tribu El-Maslekher.