Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/315

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une hôtesse. Après avoir remercié ma libératrice, je lui demandai des nouvelles de sa famille. « Mon mari est vieux et cassé, me répondit-elle, mais les années n’ont point usé son sabre, et il gouverne encore sa tribu par lui-même. Il m’envoie te chercher pour fêter ton retour sous sa tente, et parler ensemble de Scheik-Ibrahim. » J’aurais voulu pouvoir accepter cette offre, mais mon congé de drogman expirait ; et je m’excusai en chargeant la femme de Bargiass de reporter à sa tribu les saluts et les bénédictions de mon cœur. Cependant je me disais en moi-même : Fatalla, où est ta patrie ? est-elle à Latakieh, ou au désert ? Quand tu es rentré dans ta ville natale après six ans d’absence, tu n’as été qu’un homme de plus dans ses murs : et voilà qu’au seul bruit de tes pas sur le sable tout le désert sort de ses tentes et t’entoure comme une famille ; tes anciens hôtes t’appellent par ton nom, les tribus te fêtent comme leur enfant, et une vieille femme qui t’a vu trois jours, il y a trente ans, accourt au-devant de toi comme une mère au-devant de son fils perdu et retrouvé.

» Je repartis le lendemain, après une veillée d’adieux remplie d’histoires et d’aventures. Les histoires sont les livres du désert ; elles circulent de bouche en bouche parmi les tribus et les caravanes, comme ces journaux venus d’Europe que les négociants francs de mon pays se passent de main en main quand arrive un bâtiment de Marseille ou de Livourne. Ce soir-là, un riche commerçant arabe nommé Hamzi me raconta une curieuse aventure qui lui était arrivée cinq ans auparavant.

» Hamzi avait entrepris un long voyage pour commercer