XV
Ces hommes attendris, respectueux dans leur violence, hésitent et semblent vaincus ; on voit, à leur physionomie, à leurs larmes, qu’ils sont combattus entre leur pitié naturelle pour un si soudain renversement du sort et leur conscience de patriotes. Le spectacle de leur roi suppliant qui presse leurs mains dans les siennes, de cette reine tour à tour majestueuse et agenouillée, qui s’efforce, ou par le désespoir ou par la prière, d’arracher de leur bouche le consentement du départ, les bouleverse. Ils céderaient s’ils n’écoutaient que leur âme : mais ils commencent à craindre pour eux-mêmes la responsabilité de leur indulgence. Le peuple leur demandera compte de son roi, la nation de son chef. L’égoïsme les endurcit. La femme de M. Sausse, que son mari consulte souvent du regard, et dans le cœur de laquelle la reine espère trouver plus d’accès, reste elle-même la plus insensible. Pendant que le roi harangue les officiers municipaux, la princesse éplorée, ses enfants sur ses genoux, assise dans la boutique entre deux ballots de marchandises, montre ses enfants à madame Sausse : « Vous êtes mère, madame, lui dit la reine ; vous êtes femme ! le sort d’une femme et d’une mère est entre vos mains ! Songez à ce que je dois éprouver pour mes enfants, pour mon mari ! D’un mot je vous les devrai ! La reine de France vous devra plus que son royaume, plus que la vie ! — Ma-