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HISTOIRE

force sortie de son sein. Le clergé, qui est peuple, et qui veut remettre la démocratie dans l’Église, lui prête sa force pour faire écrouler la double aristocratie de la noblesse et des évêques. Tout tombe en quelques mois de ce qui avait été bâti et cimenté par les siècles. Mirabeau se reconnaît seul au milieu de ces débris. Son rôle de tribun cesse. Celui de l’homme d’État commence. Il y est plus grand encore que dans le premier. La ou tout le monde tâtonne, il touche juste, il marche droit. La Révolution dans sa tête n’est plus une colère, c’est un plan. La philosophie du dix-huitième siècle, modérée par la prudence du politique, découle toute formulée de ses lèvres. Son éloquence, impérative comme la loi, n’est plus que le talent de passionner la raison. Sa parole allume et éclaire tout ; presque seul dès ce moment, il a le courage de rester seul. Il brave l’envie, la haine et les murmures, appuyé sur le sentiment de sa supériorité. Il congédie avec dédain les passions qui l’ont suivi jusque-là. Il ne veut plus d’elles le jour ou sa cause n’en a plus besoin ; il ne parle plus aux hommes qu’au nom de son génie. Ce titre lui suffit pour être obéi. L’assentiment que trouve la vérité dans les âmes est sa puissance. Sa force lui revient par le contre-coup. Il s’élève entre tous les partis et au-dessus d’eux. Tous le détestent, parce qu’il les domine ; et tous le convoitent, parce qu’il peut les perdre ou les servir. Il ne se donne à aucun ; il négocie avec tous ; il pose, impassible sur l’élément tumultueux de cette assemblée, les bases de la constitution réformée : législation, finances, diplomatie, guerre, religion, économie politique, balance des pouvoirs, il aborde et il tranche toutes les questions, non en utopiste, mais en politique. La solution qu’il apporte est