vivait dans l’ombre ; il ne sortait que la nuit ; il ne communiquait avec les hommes qu’à travers des précautions sinistres. Un souterrain était sa demeure. Il s’y réfugiait invisible contre le poignard et le poison. Son journal avait pour l’imagination quelque chose de surnaturel. Marat s’était enveloppé d’un véritable fanatisme. La confiance qu’on avait en lui tenait du culte. La fumée du sang qu’il demandait sans cesse lui avait porté à la tête. Il était le délire de la Révolution, délire vivant lui-même !
IX
Brissot, obscur encore, écrivait le Patriote français. Homme politique et aspirant aux grands rôles, il n’excitait de passions révolutionnaires qu’autant qu’il espérait pouvoir un jour en gouverner. Constitutionnel d’abord, ami de Necker et de Mirabeau, homme à gages avant de devenir homme de doctrines, il ne voyait dans le peuple qu’un souverain plus près de son règne. La République était son soleil levant. Il y allait comme à sa fortune, mais il y allait avec prudence, en regardant souvent en arrière, pour voir si l’opinion le suivait.
Condorcet, aristocrate de naissance, mais aristocrate de génie, s’était fait démocrate par philosophie. Sa passion était la transformation de la raison humaine. Il écrivait la Chronique de Paris.
Carra, démagogue obscur, s’était fait un nom redouté