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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/172

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point de protecteur ! point de régent ! Finissons-en avec les mangeurs d’hommes de toute espèce, répétait la Bouche de fer. Que les quatre-vingt-trois départements se confédèrent et déclarent qu’ils ne veulent plus ni tyrans, ni monarques, ni protecteurs ! Leur ombre est aussi funeste au peuple que l’ombre des bohonupas est mortelle à tout ce qui vit. En nommant un régent, on se battra bientôt pour le choix d’un maître. Battons-nous seulement pour la liberté. »

Provoqué par ces allusions à la régence, qu’on parlait de lui décerner, le duc d’Orléans écrivit aux journaux qu’il était prêt à servir la patrie sur terre et sur mer, mais que, s’il était question de régence, il renonçait dès ce moment et pour toujours aux droits que la constitution lui donnait à ce titre : « Après avoir fait tant de sacrifices à la cause du peuple, disait-il, il ne m’est plus permis de sortir de l’état de simple citoyen. L’ambition serait en moi une inexcusable inconséquence. » Décrédité déjà dans tous les partis, ce prince, incapable désormais de servir le trône, était incapable aussi de servir la République. Odieux aux royalistes, effacé par les démagogues, suspect aux constitutionnels, il ne lui restait que l’attitude stoïque dans laquelle il se réfugiait. Il avait abdiqué son rang, il avait abdiqué sa propre faction, il abdiquait la faveur du peuple. Il ne lui restait que la vie.

Dans le même moment, Camille Desmoulins apostrophait La Fayette, la première idole de l’insurrection, par ces paroles cyniques : « Libérateur des deux mondes, fleur des janissaires, phénix des alguazils-majors, don Quichotte du Capet et des deux chambres, constellation du Cheval blanc, ma voix est trop faible pour s’élever au-dessus des clameurs de vos trente mille mouchards et d’autant de vos satellites,