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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/188

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L’élan des vainqueurs s’arrêtait déjà. Pétion le sentit, se leva, dit quelques mots sur un projet de décret qu’on venait de proposer contre les provocateurs aux attroupements. Ces mots, dans la bouche de Pétion, qu’on savait l’ami de Brissot et des conspirateurs, furent d’abord accueillis par des sarcasmes du côté droit et bientôt couverts des applaudissements du côté gauche et des tribunes. Barnave composa. La victoire du Champ de Mars était déjà contestée dans l’Assemblée. Les clubs se rouvrirent le soir. Robespierre, Brissot, Danton, Camille Desmoulins, Marat, qui avaient disparu quelques jours, se montrèrent, et reprirent leur audace. L’hésitation de leurs ennemis les rassura. En attaquant tous les jours une loi qui se contentait de se défendre, les factions ne pouvaient manquer de lasser la loi. D’accusés, ils se firent accusateurs. Leurs feuilles, un moment abandonnées, s’envenimèrent de toute la peur qu’ils avaient éprouvée. Elles couvrirent d’exécration les noms de Bailly et de La Fayette. Elles semèrent la vengeance dans le cœur du peuple, en remuant sans cesse à ses yeux le sang du Champ de Mars. Le drapeau rouge devint le symbole du gouvernement, le linceul de la liberté. Les conspirateurs se posèrent en victimes ; ils effarouchèrent l’esprit du peuple par les récits imaginaires des plus odieuses persécutions.